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Gaston. C’est donc se perdre que de vous avouer qu’on vous aime ?…

Marie, à part. Et lui aussi !…

Gaston. Oui !… je vous aime ! et quoi qu’il en advienne je m’applaudis d’avoir osé vous le dire ! Maintenant, vous pouvez me congédier, m’interdire votre porte, me retirer votre amitié ! Je n’ajouterai que ceci : J’ai trente ans, une santé de fer, un nom sans tache et une grande fortune. Vous êtes libre, et mon aveu n’a rien qui puisse vous offenser, s’il n’a, hélas ! rien qui vous flatte ! Mais, faites-moi l’honneur de vous appeler madame de Morières, et je mettrai ma gloire à n’attacher jamais l’ombre d’une tristesse sur ces traits auxquels sied si bien le rire dont je suis profondément amoureux !

Marie, à part. Allons !… encore un qui va se noyer… après les autres !…

Gaston. Vous n’avez rien à me dire ?

Marie. Ne doutant pas de votre franchise, je vais vous répondre franchement. Votre déclaration me surprend, elle ne m’offense pas, je suis veuve, maîtresse de moi. C’est à moi que vous aviez à me demander. Vous m’aimez, vous me le dites, et je ne serais pas femme si je me blessais d’un amour sincère sincèrement exprimé.

Gaston. Vous n’êtes pas choquée de la brusquerie ?…

Marie. Nullement ! C’est votre nature, et je ne déteste pas les hommes de votre nature ! Par exemple, je vous mentirais, si je vous disais qu’il n’y a pas un peu d’amertume dans ma surprise ! Habituée à ne voir en vous qu’un ami, l’aspect nouveau que vous donne votre déclaration ne laisse pas de me troubler. Vous ne m’avez jamais fait la cour, et par suite je n’ai jamais eu à m’interroger à votre sujet ! Or, ce que vous me demandez est grave, et assez pour que j’aie besoin de quelques jours de réflexion.