Page:Émile Nelligan et son œuvre.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.
XXXII
ÉMILE NELLIGAN


VI


Je termine cette étude en la résumant. Émile Nelligan fut un poète prodigieusement doué, à qui il n’a manqué que le temps et le travail pour devenir un grand poète. Tel qu’il est, il aura merveilleusement reflété tout un coin du ciel de la poésie, et conquis une place bien à lui dans notre anthologie canadienne. Il s’est dépeint lui-même tout entier, avec ses dons superbes, avec ses impuissances fatales, avec la catastrophe enfin qui l’a brisé en plein essor, dans ces vers qui pourraient être son épitaphe :

Je sens voler en moi les oiseaux du génie,
Mais j’ai tendu si mal mon piège qu’ils ont pris
Dans l’azur cérébral leurs vols blancs, bruns et gris,
Et que mon cœur brisé râle son agonie.

Nous qui survivons à son infortune, ne pourrions-nous recueillir quelques-uns au moins de ces pauvres oiseaux perdus ? L’œuvre de Nelligan est inédite, ou dispersée dans les pages de journaux lointains ; il serait digne d’un ami des lettres de la sauver de l’oubli définitif. Un choix intelligent de ces poésies formerait un livre assez court, mais d’une valeur réelle et d’un intérêt puissant. Les muses nationales béniront l’homme de cœur et de goût qui fera ce choix et ce livre.

Louis Dantin.

Montréal, août 1902.