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XXVII
PRÉFACE


Comme il est douloureux de voir un corbillard
Traîné par des chevaux funèbres, en automne,
S’en aller cahotant au chemin monotone.
Là-bas, vers quelque gris cimetière perdu
Qui lui-même comme un grand mort gît étendu…

Alors que dans ta lande intime tu rappelles,
Mon cœur, ces angelus d’antan, fanés, sans voix,
Tous ces oiseaux de bronze envolés des chapelles !

       Octobre étend son soir de blanc repos
       Comme une ombre de mère morte.

Ou bien, originale encore, l’image relève de l’observation pure et simple, de la réalité perçue par un œil d’artiste singulièrement attentif et pénétrant.

L’hiver de son pinceau givré barbouille aux vitres
Des pastels de jardin de roses en glaçons.

Seuls, des camélias, dans un glauque bocal,
Ferment languissamment leurs prunelles câlines.

De grands chevaux de pourpre erraient, sanguinolents.
Par les célestes turfs, et je tenais, tremblants.
Tes doigts entre mes mains comme un nid d’oiseaux blancs.

Aviez-vous songé que les vieux toits, par un soir d’hiver, ressemblent à une armée de vétérans, au casque à poil blanchi par la neige, et portant droit leurs cheminées en guise de mousquets ? Nelligan a fait, lui, cette étonnante constatation :

Casqués de leurs shakos de riz.
Vieux de la vieille au mousquet noir,
Les hauts toits, dans l’hivernal soir.
Montent la consigne à Paris.

Parfois l’analogie, à force d’être inédite, est bien un peu tirée, et la diction prétentieuse. Voici, par exemple, une manière unique de mendier les faveurs d’une belle maîtresse :

Veux-tu m’astraliser la nuit ?

Voici une façon non moins rare de prier une jeune fille de ne pas regarder par la fenêtre :