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IX
PRÉFACE

Tournez la page : Voici la Mort de la Prière et le poète, oubliant soudain son Credo, se dit hypnotisé par Voltaire, qu’entre nous il n’a jamais lu :

Il entend lui venir, comme un divin reproche,
Sur un thème qui pleure, angéliquement doux,
Des conseils l’invitant à prier… une cloche !
Mais Arouet est là, qui lui tient les genoux.

Il entend bien aller au ciel, en compagnie de Cécile, sa sainte bien-aimée :

Je ne veux plus pécher, je ne veux plus jouir,
Car la sainte m’a dit que pour encor l’ouir,
Il me fallait vaquer à mon salut sur terre.

Et je veux retourner au prochain récital
Qu’elle me doit donner au pays planétaire,
Quand les anges m’auront sorti de l’hôpital.

Mais s’il se fourvoie en enfer, il prendra la chose gaiement :

Puisque le Ciel me prend en grippe,
(N’ai-je pourtant assez souffert ?)
Les pieds sur les chenets de fer,
Devant un bock, rêvons, ma pipe.

Preste, la mort que j’anticipe
Va me tirer de cet enfer
Pour celui du vieux Lucifer.
Soit ! nous fumerons chez ce type.

Les pieds sur les chenets de fer.

Il paraît adorer les moines et moinesses, et il célèbre le Bénédictin mourant et les Carmélites :

Parmi le deuil du cloître, elles vont, solennelles,
Et leurs pas font courir un frisson sur les dalles
Cependant que, du bruit funèbre des sandales,
Monte un peu la rumeur chaste qui chante en elles.

Néanmoins, voici le portrait peu flatté qu’il trace de la vie contemplative :

Leur visage est funèbre, et dans leurs yeux sereins
Comme les horizons vastes des cieux marins,
Flambe l’austérité des froides habitudes.