Page:Émile Nelligan et son œuvre.djvu/195

Cette page a été validée par deux contributeurs.
145
TRISTIA


Il veut peindre. Très lentement
De l’oreiller il se soulève,
Simulant quelque archange en rêve
En oubli du Ciel un moment.

Son œil fouille la chambre toute,
Et soudain si fixe, étonné.
Il voit son modèle, il n’a doute,
Dans le berceau du dernier né.

Son jeune enfant près du panneau
Tout rose dans le linge orange,
A joint ses petites mains d’ange
Vers le cadre du Bambino.

Et sa filiale prière
À celle de l’Éden fait lien :
Dans du soir d’or italien,
Vision de blanche lumière.

« Vite qu’on m’apporte un pinceau !
« Mes couleurs ! Crie le vieil artiste,
« Je veux peindre la pose triste
« De mon enfant dans son berceau.

« Mon pinceau ! Délire Corrège,
« Je veux saisir en son essor
« Ce sublime idéal de neige
« Avant qu’il retourne au ciel d’or ! »