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ÉMILE NELLIGAN



PRIÈRE DU SOIR




Lorsque tout bruit était muet dans la maison,
Et que mes sœurs dormaient dans les poses lassées
Aux fauteuils anciens d’aïeules trépassées,
Et que rien ne troublait le tacite frisson,

Ma mère descendait à pas doux de sa chambre ;
Et, s’asseyant devant le clavier noir et blanc,
Ses doigts faisaient surgir de l’ivoire tremblant
La musique mêlée aux lunes de septembre.

Moi, j’écoutais, cœur dans la peine et les regrets,
Laissant errer mes yeux vagues sur le Bruxelles,
Ou, dispersent mon rêve en noires étincelles,
Les levant pour scruter l’énigme des portraits.