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présente, par bêtise ou par finesse, un peu obscurément et diversement, ne lui chaille : nombre d’esprits, le blutant et secouant, en exprimeront quantité de formes, ou selon, ou à côté, ou au contraire de la sienne, qui lui feront toutes honneur, et il se verra enrichi des moyens de ses disciples, comme les régents du lendit. C’est ce qui a fait valoir plusieurs choses de néant, qui a mis en crédit plusieurs écrits et les a chargés de toutes sortes de matières qu’on a voulu, une même chose recevant mille et mille et autant qu’il nous plaît d’images et considérations diverses. »

Or bien, c’est juste le travail contraire qu’il convient que vous fassiez sur les auteurs difficiles. Ils se sont couverts d’ajustements compliqués et de harnois enchevêtrés ; il faut les mettre en chemise ; il faut les forcer d’être simples à leur corps défendant et les juger et peut-être les approuver et les goûter ainsi devenus.

— Mais de même qu’en lisant un auteur simple on prend assez facilement l’habitude, par la lecture méditée, d’y mettre beaucoup de choses qu’il n’a point pensées ou qu’il n’a pensées qu’en puissance ; tout de même, en simplifiant les auteurs compliqués, ne leur fait-on pas le tort de leur ôter leur seul mérite ?

— Il est assez vrai ; mais leur punition méritée est sans doute qu’on les dépouille, au lieu de les enrichir, eux qui veulent paraître plus riches qu’ils ne sont et