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je dis seulement qu’il en est ainsi. Montesquieu a vu à vingt ans la fin du règne de Louis XIV ; ce qu’il déteste le plus au monde c’est le despotisme. Observons-le encore, en lisant surtout les Lettres persanes : ce qu’il n’aime pas non plus, c’est la religion catholique. Pourquoi ? mais sans doute parce que la religion catholique a été une très bonne alliée de Louis XIV surtout dans la dernière partie de son règne, et un bon soutien de son trône. Or que lisons-nous dans l’Esprit des Lois ? Que la religion est une des meilleures choses d’un État bien réglé. Quelle est cette contradiction ? N’y aurait-il pas là seulement ceci que nous sommes passés d’une idée de sentiment à une idée de raisonnement ? Montesquieu est porté à la haine du despotisme. Il a songé, assez naturellement, à tout ce qui pouvait l’arrêter, le réfréner, l’endiguer, l’entraver et l’amortir. Parmi les différentes forces qui pouvaient avoir cet effet, il a rencontré la religion, comme il a rencontré l’aristocratie militaire, comme il a rencontré la magistrature. Dès lors, la religion lui est apparue sous un autre aspect et je ne dis pas qu’il ait eu pour elle tendresse d’âme ; mais il a eu pour elle tendresse d’esprit. Évolution des idées se dégageant peu à peu des sentiments dont elles sont parties.

Nous rencontrons dans Montesquieu cette grande idée générale : influence des climats sur les tempéraments, et sur les mœurs, et sur les idées, et sur les institutions des peuples. Et nous ne manquons