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et ce précepte est aussi essentiel qu’il est élémentaire et aussi rarement suivi qu’il est essentiel. La ponctuation n’est pas moins importante pour le nombre que pour le sens et c’est pourquoi une faute de ponctuation met les auteurs et particulièrement les poètes au désespoir. Rappelons l’exemple classique à cet égard. Musset avait écrit dans Carmosine :

Depuis le jour où le voyant vainqueur,
D’être amoureuse, amour, tu m’as forcée,
Fût-ce un instant, je n’ai pas eu le cœur
De lui montrer ma craintive pensée,
Dont je me sens à tel point oppressée,
Mourant ainsi, que la mort me fait peur.

Le typographe avait imprimé, bien naturellement :

. . . . . . . . . . . . . . . .

De lui montrer ma craintive pensée,

Dont je me sens à tel point oppressée.
Mourant ainsi, que la mort me fait peur !

Musset, il le dit dans sa correspondance, fut malade de chagrin. Il y avait de quoi. Au point de vue de la correction, on lui avait fait faire une faute ; « dont je me sens à tel point oppressée » étant laissé sans complément et restant en l’air. Mais au point de vue du nombre, la faute, qu’on lui faisait commettre était encore plus grave ; car ces vers forment une strophe de six vers couplés, menés deux à deux, avec, ce qui est très conforme aux lois générales du rythme, un repos assez fort après le premier distique, un