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Chrysale. C’est là qu’il faut le chercher, et précisément, c’est en le cherchant là qu’on saisira les différences entre le style personnel et le style qu’il invente et qu’il crée à l’usage des personnages étrangers à lui et pour les peindre.

Ces études sont très intéressantes ; elles ne se peuvent faire un peu sérieusement qu’à la lecture ; cela même prouve qu’il faut lire les pièces de théâtre ; les pièces de théâtre se relevant au-dessus ou s’abaissant au-dessous de la représentation à la lecture que l’on en fait. Je ne dis pas pour cela que la lecture soit le vrai tribunal, ce qu’on pourrait toujours me contester et ce que rien ne me permet d’affirmer ; je dis seulement qu’il y en a deux et que la lecture en est un où il est agréable de siéger et autant ou moins que dans l’autre.

Un des plaisirs encore de la lecture des poètes dramatiques est de distinguer ce qui, comme pensée, est d’eux et ce qui est de leurs personnages. Cette recherche est d’autant plus engageante, d’autant plus passionnante que l’on sent bien qu’elle n’aboutira jamais complètement, qu’elle n’aboutira jamais qu’à peu près. Jamais l’auteur n’est responsable totalement de l’un quelconque de ses personnages. Jamais ce n’est absolument lui-même qu’il peint dans un de ses héros ; jamais ce n’est absolument lui qui parle par la bouche de l’un d’eux. Il ne faut pas dire que Chrysale soit Molière, ni même que Gorgibus soit Molière, ni que le