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torturé de la coquette, ou bien plutôt de la femme qui ne l’est point et qui s’efforce péniblement de l’être, lui vient aux lèvres et marque tout justement ce changement momentané de caractère et avertirait et mettrait en défiance le convoiteux, s’il n’était étourdi par sa convoitise.

Et lorsque j’ai voulu moi-même vous forcer
À refuser l’hymen qu’on venait d’annoncer,
Qu’est-ce que cette instance a dû vous faire entendre,
Que l’intérêt qu’en vous on s’avise de prendre,
Et l’ennui qu’on aurait que ce nœud qu’on résout,
Vint au moins partager un cœur que l’on veut tout.

Un auteur dramatique ne doit se servir de son style à lui et ne s’en sert, en effet, s’il a tout son art, que quand il parle en son nom et je veux dire quand il fait parler le personnage qui le représente ou le personnage qui lui est particulièrement sympathique. Il y a un style de Corneille, un style de Racine, un style de Molière.

Le style de Corneille est celui des Don Diègue des Rodrigue et des Horaces.

Le style de Racine est le style de ses héroïnes, et l’on voit très bien que le style des hommes, chez lui, si savant qu’il soit, est plus tendu, plus voulu, j’hésite à dire plus artificiel, et semble lui avoir coûté plus de peine.

Le style de Molière est celui de ses raisonneurs et de ses railleurs : c’est celui de Cléante et d’Henriette, un peu (et non pas tout à fait) celui de