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le rejeter, pendant que les épaules frémissent ; puis remonte vers le front et esquisse le geste de repousser les cheveux sur les épaules ; puis, fatiguée de l’effort, retombe et traîne pendant que Phèdre dit d’une voix qui languit :

Tout m’afflige et me suit et conspire à me nuire.

Plus loin, après qu’Œnone, prosternée devant Phèdre et « embrassant ses genoux », l’a longtemps suppliée de lui révéler son fatal secret, Phèdre :

Tu le veux, lève-toi.

Ce mot indique tout un jeu de scène, coupe nettement le dialogue, sépare tout ce qui suit de tout ce qui précède, prépare l’attention du spectateur pour la révélation qui enfin va se produire, dessine aux yeux Phèdre encore assise et Œnone debout, attentive et anxieuse. Mais pourquoi faut-il qu’Œnone se lève ? Pour que Phèdre se lève elle-même quelques instants après ; car, pour la liberté des gestes dans le grand récit que Phèdre doit faire tout à l’heure, à partir de : « Mon mal vient de plus loin… », il convient qu’elle soit debout. Or, elle n’aurait aucune raison de se lever, si Œnone était assise et elle en a une grande raison si Œnone est debout, parce qu’à une personne qui est debout on parle de plus près, plus directement, plus intimement, si l’on est debout soi-même.

Phèdre se lèvera donc tout à l’heure, et c’est pour qu’elle se lève avec vraisemblance que Racine fait