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de la beauté des lignes autant que l’esprit amoureux de la beauté des pensées ; que les Grecs ne cessent jamais d’être artistes et qu’il faut nous faire artistes nous-mêmes pour goûter leur théâtre, sinon autant qu’ils le goûtaient, du moins de la manière, d’une des manières, et importante, dont ils le goûtaient. Ne doutez point que l’introduction du troisième personnage sur la scène à partir de Sophocle, ne leur ait été, en partie, du moins, inspirée par un souci de groupement artistique et que la règle inverse : ne quarta loqui persona laboret (il ne faut pas qu’un quatrième personnage se mêle au dialogue) ne leur ait été inspirée par la même considération.

Remarquez que, dans la comédie, qui n’a pas ou qui n’est pas tenue d’avoir les mêmes préoccupations artistiques, le même idéal sculptural, il est assez rare qu’un groupe de trois personnages occupant le théâtre en même temps soit présent à nos yeux.

Il faut donc, en lisant Sophocle et Euripide, celui-là surtout, restituer et tenir sous notre vue le groupement des personnages aménagés pour produire une émotion esthétique. Relisez surtout à ce point de vue Antigone, Œdipe roi et Œdipe à Colone.

Quelquefois même le théâtre français a quelque chose de cela, non point ou presque jamais dans Racine, mais dans Corneille. Auguste, Maxime et Cinna forment un groupe ; le roi, Don Diègue et Chimène forment un groupe ; le vieil Horace intervenant (II, 7) entre Horace, Curiace, Sabine et Camille pour dire :