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CHAPITRE IV

LES PIÈCES DE THÉÂTRE



Les poètes dramatiques sont-ils faits pour être lus ? Autant que pour être entendus, je le crois. S’il est très vrai, comme on disait autrefois, qu’une bonne comédie ne se peut juger qu’aux chandelles, il n’est pas moins véritable qu’il y a comme un jugement d’appel à porter sur elle et qui ne se peut porter qu’à la lecture. C’est de l’éclat, c’est du mouvement aussi, de la pièce de théâtre qu’on juge à la représentation ; mais à la lecture, c’est de sa solidité. C’est par la lecture d’une pièce qu’on échappe aux prestiges de la représentation ; c’est en lisant que l’on n’est plus dupe du jeu des acteurs, de l’énergie de leur déclamation et de la sorte d’empire et de possession qu’ils exercent sur nous. Surtout, c’est en lisant qu’on peut relire, et ce n’est qu’en relisant qu’on peut bien juger, non seulement du style, mais de la composition, de la disposition des parties et du fond même, j’entends de l’impression totale que l’auteur a voulu produire sur nous et de la question s’il l’a produite en effet ou non, ou seulement à demi.

C’est à la lecture que l’on ne peut plus prendre la fausse monnaie pour la bonne, et des sonorités plus