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grâce, au contraire, à un professeur exceptionnel qui savait faire goûter les auteurs anciens, ont eu une influence très forte et très prolongée.

Secondement, un peu à cause de ce qui précède, mais pour d’autres raisons qu’il faudrait chercher dans sa psychologie individuelle, c’est un homme que la littérature de son temps, quand il est sorti du collège, a peu intéressé. Il était homme, par conséquent, à se tourner du côté des arts, peinture, musique, mais sans doute il n’avait point ces goûts ou ces aptitudes, et il est peu à peu revenu à ce qui l’avait, sinon charmé, du moins intéressé vers la quinzième année, et il s’est aperçu, son intelligence et sa sensibilité s’étant accrues, que ces auteurs sont d’excellents et d’exquis aliments de l’âme et de l’esprit.

Cet homme — il a maintenant entre quarante ou cinquante ans — est presque absolument étranger et indifférent aux temps où il vit. Il ressemble à Montaigne et, tout compte fait, c’est précisément un Montaigne à deux ou trois ou à dix degrés au-dessous du prototype.

Je dis indifférent au temps où il vit et non pas hostile ; car, s’il y était hostile, il s’en occuperait continuellement pour s’indigner contre lui et pour le maudire ; je dis indifférent, étranger et qui ne le connaît pas et ne se soucie aucunement de le connaître.

Ce n’est pas que le lecteur des anciens se soit fait, précisément, une âme grecque ou une âme romaine ;