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aurait rien de plus intéressant, ou s’il est une fantaisie, auquel cas il n’intéresse que sur l’auteur, doué d’un tour d’imagination si particulier.

Je dis souvent : « l’exceptionnel du roman ne me renseigne que sur l’exceptionnel de l’auteur, ce qui du reste est déjà de quelque valeur ».

Beaucoup de lecteurs pourtant s’intéressent à l’exceptionnel proprement dit, lisant, disent-ils, pour se secouer, pour se dépayser, pour voir du nouveau et du tout nouveau, et précisément ne tenant point à contrôler, ce qui n’est que se ramener au déjà vu et au train, peu aimé, de tous les jours. Je ne songe pas à leur en vouloir ; mais il me semble que peut-être il vaudrait mieux qu’ils s’adressassent à un autre art qu’à la littérature. Ce qui nous fait sortir de la vie où nous sommes, ce n’est ni la littérature, si romanesque ou si poétique qu’elle puisse être, ni la peinture, ni la sculpture, c’est l’architecture et la musique, aux deux pôles, pour ainsi dire, de l’art : l’architecture qui, tout compte fait et quoi qu’on ait pu dire, ne copie rien et n’est que combinaison de belles lignes tout abstraites et tirées de notre conception intime et pure des belles lignes ; la musique qui ne copie rien et qui ne peint que des états d’âme et qui ne suggère que des états d’âme.

Encore l’architecture ramène la pensée à la vie civile, en ce sens qu’un monument est fait pour recevoir une foule en vue de tel ou tel acte et doit jusqu’à un certain point avoir le caractère qui con-