Page:Émile Faguet - L'Art de lire.djvu/153

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sans charme que celle que l’on consacre à corriger ses vieux contresens.

Le plaisir de mieux comprendre met, du reste, dans l’esprit un certain feu, une certaine chaleur qui excite l’imagination elle-même. On invente un peu à la suite de l’auteur. Soyez sûr que c’est en relisant que M. Jules Lemaître a écrit ses exquis En marge et Emile Gebhart, son spirituel Dernier voyage d’Ulysse.

On relit encore pour jouir du détail, pour jouir du style. La première lecture est au lecteur ce que l’improvisation est à l’orateur. C’est chose toujours un peu impétueuse ; de tempérament si sain que l’on soit, ou quelque bonne méthode de lecture que l’on ait, on ne peut jamais s’empêcher tout à fait d’être pressé, avec un philosophe de voir quelle est son idée générale et quelles sont ses conclusions, avec un romancier de voir comment cela finit. Détestable précipitation ; mais dont personne n’est absolument exempt.

Comme l’orateur, dans l’épreuve de l’Officiel qu’on lui soumet, corrige le style et la langue de son improvisation, à relire nous corrigeons notre improvisation de lecture. Nous faisons attention à la langue, au style, au rythme, aux procédés et artifices de composition et de disposition des idées. Nous étions entrés dans la pensée de l’auteur, nous entrons maintenant dans son laboratoire ; nous le voyons travailler. Si nous voulons travailler nous-