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pour la première fois. À la fois l’on se sait gré de cette découverte, et c’est un plaisir ; et l’on peste un peu de ne l’avoir pas faite plus tôt et c’est un exercice d’humilité qui est très sain.

La découverte n’est pas toujours de détail. Il m’est arrivé, en relisant Jean-Jacques Rousseau d’un peu près, particulièrement dans sa correspondance, de m’apercevoir que Jean-Jacques Rousseau était aristocrate.

Il n’y a rien de plus certain, encore qu’il ait donné leçon de démocratie et de la pire.

Il faut, du reste, quand on relit, surveiller ces repentirs et ne pas se laisser trop aller au plaisir de la découverte et à celui du remords et à la taquinerie envers soi-même qui consiste à se dire qu’on a été précédemment un imbécile. « Vous avez eu tort, me disait un ami, d’avoir présenté Sainte-Beuve comme un positiviste, ou comme un sceptique, ou comme un agnostique. Je l’ai beaucoup relu ; c’est un mystique. » Beaucoup relire Sainte-Beuve pour en arriver à découvrir qu’il est un mystique, c’est certainement un abus de la révision.

Mais encore le plus souvent, presque toujours, quelques précautions prises, on comprend beaucoup mieux un auteur quand on le relit que quand on le lit pour la première fois. Il suffit de se défier un peu de soi et de ne pas lire chez lui seulement ce qu’on y met. Je relis beaucoup ; je crois comprendre beaucoup mieux. C’est une vieillesse qui n’est pas