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est impossible que nous ne finissions pas par saisir, de son procédé. Son procédé, par comparaison d’un nombre suffisant de ses maximes entre elles nous le surprendrons, est celui-ci : dissoudre en quelque sorte, diluer une vertu qu’il entreprend, dans tous les défauts qui l’avoisinent ; le courage, par exemple, dans le désir de briller, la générosité dans l’ostentation, la loyauté dans le désir d’inspirer une confiance dont on retirera des bénéfices, etc. Fort bien ; mais dès lors, si l’on peut dissoudre les vertus dans les défauts qui les avoisinent, on peut dissoudre aussi les défauts dans les vertus qui sont proches d’eux et dire : « Tel homme désire briller ; et pour cela se met toujours en avant ; mais au fond de cela, il y a du courage. Tel homme veut qu’on le sache généreux ; mais, pour qu’on le sache, il l’est en effet ; il faut bien qu’il le soit même au fond pour faire tant de sacrifices à vouloir qu’on sache qu’il l’est. C’est en somme un assez bon homme. » Maître du procédé d’un auteur, vous pouvez toujours le retourner contre lui. Et d’abord, c’est un jeu divertissant, donc une jouissance ; mais ce n’est pas seulement un jeu ; c’est posséder son auteur jusqu’en son fond, c’est saisir comme sa racine, comme le germe d’où son œuvre est sortie et d’où elle pouvait sortir la même sans doute, mais dans une autre direction ; et c’est en vérité le bien connaître.

On ne connaît sans doute quelqu’un que