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soit le contraire même de l’historien littéraire ; tout au moins ils sont si différents que ce qu’on demande à l’un, et légitimement, c’est ce qu’on ne demande pas et ce qu’on ne doit pas demander à l’autre, et la converse est vraie.

Il a fallu insister sur ce point, parce qu’il n’y a pas si longtemps qu’on a compris la grande différence qu’il y a entre l’historien littéraire et le critique ; parce que, jusqu’aux dernières années du dernier siècle, les historiens littéraires croyaient avoir mission de critique et réciproquement ; parce que telle histoire de la littérature française, celle de Nisard, est tout entière œuvre de critique et comme histoire littéraire n’existe pas, de telle sorte que l’auteur n’a rien fait de ce qu’il devait faire et a fait tout le temps, et du reste d’une manière admirable, ce qu’il devait ne pas faire du tout ; si bien encore que son livre, absolument manqué comme histoire littéraire, reste tout entier debout comme recueil de morceaux de critique.

Or, cette distinction étant faite et si vous l’admettez, revenons à notre question : quand faut-il lire le critique ?

Cela dépend précisément de la question de savoir s’il est historien littéraire, d’après la définition que nous avons donné de l’historien littéraire, ou s’il est critique, selon la définition que nous avons donnée du critique. S’il est historien littéraire, il faut le lire avant de lire l’auteur, et s’il est critique, il ne faut