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critique qui est en lui, examiner, comparer, raisonner, discuter, juger ; — le lecteur doit enfin admirer, s’il y a lieu, ce qui a comme passé successivement par sa sympathie et par sa critique ; l’auteur doit enfin approuver et même admirer, s’il y a lieu, ce qu’il a conçu dans la foi et dans l’amour, ce qu’il a contrôlé et redressé ensuite à l’aide de son sens critique.

Foi, critique, admiration, il y a trois phases, qui sont les mêmes que, et le lecteur et le poète, doivent traverser successivement pour arriver, l’un à la pleine admiration, l’autre à la pleine réalisation du vrai ou du beau.

Si tout cela est vrai, ne l’est-il pas que la critique est toujours là quand il s’agit d’œuvre d’art, tant pour prendre possession du beau que pour le créer, qu’il faut que le lecteur soit critique puisqu’il faut que l’auteur le soit, et qu’il faut que le poète le soit puisque le lecteur doit l’être ? Et si l’auteur doit l’être lui-même, ce que Nietzsche lui-même avoue, n’est-il pas vrai à plus forte raison qu’il faut que le lecteur le soit pour son plus grand plaisir, qui est l’admiration intelligente, l’admiration consciente, l’admiration qui sait pourquoi elle admire ?

Donc, que devient le mot de La Bruyère ? Il est absolument faux !

Ainsi parlera un homme qui prendra le mot « critique » dans le sens où tout le monde le prend aujourd’hui.