infailliblement de nos jours, très juste dans le sens où, très probablement, il l’a entendue lui-même : « Le plaisir de la critique nous ôte celui d’être vivement touchés de très belles choses ». C’est précisément le contraire, répondra immédiatement l’homme de notre époque. Comment La Bruyère peut-il écrire cela, Boileau vivant ? Si Boileau a été « touché » plus « vivement » que personne des belles choses de Racine, c’est précisément parce qu’il était critique et parce qu’il jouissait d’autant plus des belles choses qu’il était plus horripilé des mauvaises. Qui a plus vivement, qui a plus passionnément joui des belles choses que Sainte-Beuve ? Et pourquoi ? Parce qu’il avait affiné son goût critique par une immense lecture méditée, parce qu’il avait toujours lu en critique. La critique n’est pas autre chose qu’un exercice continu de l’esprit, par lequel nous le rendons apte à comprendre où est le faux, le faible, le médiocre, le mauvais et à être très sensible au faux, au faible, au médiocre et au mauvais, grâce à quoi nous le sommes pareillement au vrai et au beau et infiniment plus que nous ne l’eussions été sans cet exercice.
Le lecteur, qui ne lit pas en critique, bon esprit du reste et juste, mais qui ne réagit point, ne fait pas une extrême différence entre Racine et Campistron, entre Rousseau et Diderot et entre Diderot et Helvétius. Il ne fait pas, dans le même auteur, de grandes différences entre un ouvrage et un autre,