Page:Émile Belloc - Observations sur les noms de lieux de la France méridionale.pdf/3

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[355]
— 4 —

port unissant les dénominations géographiques aux causes primordiales de leur formation pour les orthographier.

En conséquence de ce qui précède et afin d’éviter des entraînements d’imagination regrettables ; avant de rechercher scientifiquement la dérivation des noms de lieux ; avant de décomposer leurs éléments constitutifs en les soumettant à une minutieuse analyse, basée sur des connaissances philologiques sûres ; avant de se demander si ces dénominations viennent du latin, du grec, ou du sanscrit[1], il faut préalablement être fixé sur leur valeur significative.

Les archives communales, les actes administratifs, les mappes cadastrales, — bien que celles-ci soient parfois de « médiocres documents », selon la juste observation du général Blondel[2], — peuvent être néanmoins de précieux auxiliaires. À défaut d’autre utilité, ces sources documentaires feront connaître les transformations successivement imposées aux divers éléments de la terminologie indigène, en les adaptant, trop souvent sans discernement, à la langue officielle ; mais il ne faut s’y référer qu’avec circonspection.

Il en est de même des textes latins. L’origine des noms de lieu étant généralement très ancienne, la majeure partie des expressions toponymiques encore usitées de nos jours existaient déjà lorsque les Latins envahirent la Gaule. Sous ce rapport les conquérants n’eurent donc rien à inventer en prenant possession du pays ; leur rôle se borna à interpréter et à adapter à leur propre langue la forme dialectale de ces dénominations primitives.

On peut aisément concevoir les déformations de tous ordres qui durent affecter ces dénominations locales, latinisées pendant et après l’occupation romaine. Et, — sans parler des injures que leur firent subir successivement les Visigoths, les Burgondes, les

  1. Sous ce rapport la langue celtique rend parfois d’inestimables services : si elle n’existait déjà il faudrait l’inventer. Quand un auteur ne sait plus à quel « saint se vouer » pour expliquer l’origine d’un nom de lieu [en aucune manière il ne saurait être question ici des éminents philologues qui sont la gloire de notre pays], le celtique vient à point nommé pour les tirer d’embarras.
  2. Voir « La circulaire portant instruction complémentaire spéciale, du 26 novembre 1850 », reproduite par M. le général Berthaut dans son étude historique sur La carte de France, 1750-1898. (Imp. du Service géographique, 1898, t. 1er , p. 319 et suiv.).