Page:Élisée Reclus - Évolution et révolution, 1891.djvu/58

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 55 —

existence, pendant la Commune de Paris, on put voir par le renversement de la colonne Vendôme que les idées de l’Internationale étaient devenues une réalité vivante. Chose inouïe jusqu’alors, les vaincus renversèrent avec enthousiasme le monument d’anciennes victoires, non pour flatter lâchement ceux qui venaient de vaincre à leur tour, mais pour témoigner de leur sympathie fraternelle envers les frères qu’on avait menés contre eux, et de leurs sentiments d’exécration contre les maîtres et rois qui de part et d’autre conduisaient leurs sujets à l’abattoir. Pour ceux qui savent se placer en dehors des luttes mesquines des partis et contempler de haut la marche de l’histoire, il n’est pas, en ce siècle, de signe des temps qui ait une signification plus imposante que le renversement de la colonne impériale sur sa couche de fumier !

On l’a redressée depuis, de même qu’après la mort de Charles Ier et de Louis XVI on restaura les royautés d’Angleterre et de France, mais on sait ce que valent les restaurations ; on peut recrépir les lézardes, mais la poussée du sol ne manquera pas de les rouvrir : on peut rebâtir les édifices, mais on ne fait pas renaître la foi première qui les avait édifiés. Le passé ne se restaure, ni l’avenir ne se détourne. Il est vrai que tout un appareil de lois interdit l’Internationale. En Italie on l’a qualifiée d’« Associations de Malfaiteurs ». On en punit les membres du cachot et du bagne. Précautions misérables ! Sous quelque nom qu’on la déguise, la fédération internationale des Travailleurs n’en existe et ne s’en développe pas moins, toujours plus solidaire et plus puissante. C’est même une singulière ironie du sort, de nous montrer combien ces ministres et ces magistrats, ces législateurs et