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de la Terre. C’est à peine s’il l’apprend. C’est là une vérité qui fait désormais partie de l’héritage universel.

Il en est de même pour toutes les grandes acquisitions scientifiques. Elles ne s’apprennent pas, pour ainsi dire, elles se savent. Il fut un temps où la grande majorité des hommes naissaient, vivaient esclaves, et n’avaient d’autre idéal qu’un changement de servitude. Jamais il ne leur venait à la pensée qu’ « un homme vaut un homme ». Ils l’ont appris maintenant et comprennent que cette égalité virtuelle donnée par l’évolution doit se changer désormais en égalité réelle, grâce à la révolution. Les travailleurs, instruits par la vie, connaissent même certaines lois économiques bien mieux que les économistes de profession. Est-il, parmi les anarchistes, un seul ouvrier qui ne reste indifférent aux questions d’impôt progressif ou d’impôt proportionnel, et qui ne sache que tous les impôts sont payés en fin de compte par les plus pauvres ? En est-il un qui ne connaisse la terrible fatalité de la « loi d’airain » en vertu de laquelle il est condamné à ne recevoir qu’une pitance de misère, c’est-à-dire le salaire exact qui l’empêchera de mourir de faim pendant la durée de son travail ? La dure expérience lui a suffisamment fait connaître cette loi fatale de l’économie politique.

Quelle que soit l’origine de l’instruction, tous en profitent, et le travailleur n’est pas celui qui en prend la moindre part. Qu’une découverte soit faite par un bourgeois, un noble ou un roturier, que le savant soit le potier Palissy ou le chancelier Bacon, le monde entier utilisera ses recherches. Certainement des privilégiés voudraient bien garder pour eus le bénéfice de la science et laisser l’ignorance