chère, la variété dans les occupations les guérissent et les renouvellent. Les gens asservis à un travail qui est la condition même de leur existence, sont au contraire, condamnés d’avance, pris en masse, (abstraction faite de ceux qui meurent plus tôt ou plus tard), à succomber, suivant les pays de l’Europe, entre vingt et quarante ans, soit à trente en moyenne. C’est dire qu’ils fournissent seulement la moitié d’ans qui leur seraient dévolus s’ils vivaient en liberté, maîtres de choisir leur séjour et leur œuvre. Ils meurent donc précisément à l’heure où leur existence devrait atteindre toute son intensité, et chaque année, quand on fait le compte des morts, il est juste double de ce qu’il devrait être dans une société d’égaux. Ainsi la mortalité de l’Europe ayant été de douze millions d’hommes en 1800, on peut dire sans erreur possible que six millions d’entr’eux ont été tués par les conditions sociales qui règnent dans notre milieu barbare ; six millions ont péri par manque d’air pur, de nourriture saine, d’hygiène convenable, de travail harmonique. Eh bien ! comptez les morts depuis que Malthus a parlé, prononçant d’avance sur l’immense hécatombe son oraison funèbre ! N’est-il pas vrai que toute une moitié de l’Humanité dite civilisée se compose de gens qui ne sont pas invités au banquet social ou qui n’y ont place que pour un temps et meurent la bouche contractée par les désirs inassouvis. La mort préside au repas, et de sa faulx elle écarte les tard-venus.
La situation est donc atroce, mais une immense évolution s’est accomplie, annonçant la révolution prochaine. Cette évolution, c’est que toute l’abominable « science » économique, prophétisant le manque de ressources et la mort inévitable des