la science soit un privilège, et que des hommes quelconques, haut perchés sur une montagne comme Moïse, sur un trône comme Marc-Auréle, sur un Olympe ou sur un Parnasse en carton, ou simplement sur un fauteuil académique, nous dictent des lois en se targuant d’une connaissance supérieure des lois éternelles. Il est certain que parmi les gens qui pontifient dans les hauteurs, il en est qui peuvent traduire convenablement le chinois, ou lire les cartulaires des temps mérovingiens ou disséquer l’appareil digestif des punaises ; mais l’admiration même que nous avons pour ces grands hommes ne nous empêche pas de discuter en toute liberté les paroles qu’ils daignent nous adresser de leur empyrée. Nous n’acceptons pas de vérité promulguée : nous la faisons nôtre d’abord par l’étude et par la discussion, et nous apprenons rejeter l’erreur, fût-elle mille fois estampillée et patentée. Que de fois en effet, le peuple ignorant a-t-il dû reconnaître que ses savants éducateurs n’avaient d’autre science à lui enseigner que celle de marcher paisiblement et joyeusement à l’abattoir, comme ce bœuf des fêtes que l’on couronne de guirlandes en papier doré.
Notre commencement de savoir, nos petits rudiments de connaissances historiques nous disent qu’il ne faut point tolérer de maîtres, et qu’à tout ordre il faut répondre par la révolte. L’histoire, si loin que nous remontions dans le passé, si diligemment que nous étudions autour de nous les sociétés et les peuples, civilisés ou barbares, policés ou primitifs, l’histoire nous dit que toute obéissance est une abdication, que toute servitude est une mort anticipée ; elle nous dit aussi que tout progrès s’est accompli en proportion de la liberté, de l’égalité