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société, dans toutes ses manifestations que se prépare le changement. Les conservateurs ne s’y sont point trompés quand ils ont donné aux révolutionnaires le nom général « d’ennemis de la religion, de la famille et de la propriété ; » ils auraient pu nous dire aussi les ennemis de la patrie politique. Oui, les anarchistes repoussent l’autorité du dogme et l’intervention du surnaturel dans la nature, et, en ce sens, quelle ferveur qu’ils apportent dans la lutte pour leur idéal de fraternité et de solidarité, ils sont ennemis de la religion. Oui, ils veulent la suppression du trafic matrimonial, ils veulent les unions libres, ne reposant que sur l’affection mutuelle, le respect de soi et de la dignité d’autrui, et, en ce sens, si aimants et si dévoués qu’ils soient pour ceux dont la vie est associée à la leur, ils sont bien les ennemis de la famille. Oui, ils veulent supprimer l’accaparement de la terre et de ses produits pour les rendre tous, et, en ce sens, si heureux qu’ils soient d’assurer à tous la jouissance des fruits du sol, ils sont les ennemis de la propriété. Enfin, si profond que soit leur sentiment de solidarité pour ceux qui les entourent, si vif que soit leur désir de voir leur village et leur pays heureux, si douce à leurs oreilles que soit la langue maternelle, ils ne haïssent point l’étranger, ils voient un frère en lui, et revendiquent pour lui comme pour eux la même justice, la même liberté, et, en ce sens, ils sont ennemis de la patrie.

Que nous faut-il donc pour atteindre le but ? Il faut avant tout nous débarrasser de notre ignorance, car l’homme agit toujours, et ce qui lui a manqué jusquici est d’avoir bien dirigé son action.

Nous voulons savoir. Nous n’admettons pas que