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personnelle. En cessant de croire, le catholique cesse d’être chrétien ; en changeant de système, le protestant ne fait que changer de secte, il reste chrétien, inconvertissable mystique.

En continuant, nous arrivons à la grande époque évolutionnaire dont la Révolution américaine et la Révolution française furent les sanglantes crises. Ah ! là du moins, semble-t-il, la révolution fut tout à l’avantage du peuple, et ces grandes dates de l’histoire doivent être comptées comme inaugurant la naissance nouvelle de l’Humanité. Les conventionnels voulurent commencer l’histoire au premier jour de leur constitution, comme si les siècles antérieurs n’avaient pas existé, et que l’homme politique pût vraiment daté son origine de la proclamation de ses droits. Certes, cette période de l’histoire est une grande époque dans la vie des nations, un espoir immense se répandit alors par le monde, la pensée libre prit un essor qu’elle n’avait jamais eu, les sciences se renouvelèrent, l’esprit de découverte agrandit à l’infini les bornes du monde, et jamais on ne vit un tel nombre d’hommes transformés par un idéal nouveau, faire avec plus de simplicité le sacrifice de leur vie. Mais cette révolution, nous le voyons maintenant, n’était point la révolution de tous, elle fut celle de quelques-uns pour quelques-uns ; le droit de l’homme resta purement théorique, la garantie de la propriété privée que l’on proclamait en même temps, le rendait illusoire. Une nouvelle classe de jouisseurs avides, enthousiastes, se mit à l’œuvre d’accaparement, la Bourgeoisie remplaça la classe usée déjà sceptique et pessimiste de la vieille noblesse, et les nouveaux-venus se mirent avec une ardeur et une science que n’avaient jamais eues les an-