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redeviendra rivière : ainsi aura lieu une petite révolution terrestre.

Si la révolution est toujours en retard sur l’évolution, la cause en est à la résistance des milieux : l’eau d’un courant bruit entre ses rivages parce que ceux-ci la retardent dans sa marche ; les vagues de la mer se brisent avec fracas sur les écueils et la foudre roule dans le ciel parce que l’atmosphère s’est opposée à l’étincelle sortie du nuage. Chaque transformation de la matière, chaque réalisation d’idée est dans la période même du changement contrariée par l’inertie du milieu, et le phénomène nouveau ne peut s’accomplir que par un effort d’autant plus violent ou par une force d’autant plus puissante, que la résistance est plus grande. Herder parlant de la Révolution française l’a déjà dit : « La semence tombe dans la terre, longtemps elle paraît morte, puis tout à coup elle pousse son aigrette, puis elle déplace la terre dure qui la recouvrait, elle fait violence à l’argile ennemie, et la voilà qui devient plante, qui fleurit et mûrit son fruit ». Et l’enfant, comment naît-il ? Après avoir séjourné neuf mois dans les ténèbres du ventre maternel, c’est aussi avec violence qu’il s’échappe en déchirant son enveloppe, et parfois même en tuant sa mère. Telles sont les révolutions, conséquences forcées des évolutions qui les ont précédées.


Toutefois les révolutions ne sont pas nécessairement un progrès, de même que les évolutions ne sont pas toujours orientées vers la justice. Tout change, tout se meut dans la nature d’un mouvement éternel, mais s’il y a progrès il peut y avoir