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Duchesse. Au reste, il n’incrimina point son ancien maître, le Grand-Duc, mais seulement la défunte Gourguin, qui, jalouse et privée d’enfants, n’avait pu sans doute supporter que sa rivale eût cette joie. Lui-même, mourut, quatre jours après l’arrivée à Moscou de Mme Maria-Pia,

Dans le trouble et la douleur où elle était, cette princesse prit le parti d’aller se jeter aux pieds de son neveu, le tsar Alexandre II, et de lui demander justice. Sa Majesté lui permit de poursuivre l’enquête, et jura solennellement de restituer à l’enfant, aussitôt qu’on l’aurait retrouvé, le titre et les honneurs de grand-duc. Elle offrit même, si Mme Maria-Pia se trouvait d’aventure à court d’argent, de contribuer aux recherches sur sa cassette.

Votre Excellence touche au terme de ce long récit. Dès ce moment, il ne fallait plus à Mme la Grande-Duchesse qu’un serviteur tout dévoué. J’étais à elle, depuis vingt années, en qualité de chirurgien : elle voulut bien songer à moi, et me confia la mission de m’enquérir, à Bruges, de Van Oost. C’était en 1870, au mois d’octobre. Je découvris, sans beaucoup de peine, les traces de ceux que je cherchais, mais j’eus le crève-cœur d’apprendre que Van Oost et son neveu Floris avaient quitté la Flandre depuis trois ans, et vivaient dans votre capitale. Or, c’était le temps où Paris se trouvait fermé, et investi de l’armée allemande. Je me vis donc contraint à l’inaction, jusqu’à la fin de ce long siège. Dès que la ville fut rouverte, je m’y rendis ; — et voilà deux mois que j’y séjourne.

Grâce aux nettes indications qu’on avait pu me fournir à Bruges, j’ai été promptement éclairci, d’abord de la mort de Jacob Van Oost, arrivée il y a quatorze mois, puis, en gros, du sort de Floris, fait prisonnier pendant la guerre, et interné au fond de la Prusse, mais qui, échappé de Stralsund, a été revu dans Paris, dès les premiers jours du mois de mars. Mme la Grande-Duchesse, à qui j’en donnai part aussitôt, saisit avidement cette espérance : par malheur, les nouvelles qui suivirent ne se trouvèrent plus si flatteuses. En effet, il est impossible de douter que Floris ne se soit rangé parmi les troupes