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TRAVAUX D’EMBELLISSEMENT

disparaître toute cause de conflit. La puissance des Francs inquiétait en effet toujours les Romains et les Grecs, comme l’atteste encore ce dicton : « Τὸν Φράνκον φίλον ἔχεις · γείτονα οὐκ ἔχεις » (« Si tu as le Franc comme ami, c’est que tu ne l’as pas comme voisin[1] »).

[17.] Mais si grande qu’ait été l’œuvre de Charles comme conquérant et quel que soit le temps qu’il ait consacré à soumettre les peuples étrangers, il n’en entama pas moins en divers lieux un grand nombre de travaux d’embellissement ou d’utilité publique et il en acheva quelques-uns[2]. Ceux qu’on peut considérer comme les plus remarquables sont la superbe basilique de la sainte Mère de Dieu à Aix et le pont du Rhin à Mayence, d’une longueur de cinq cents pas, — ce pont qui brûla malencontreusement un an avant sa mort[3], trop tard pour qu’il ait pu le rebâtir, bien qu’il songeât à le refaire en employant cette fois de la pierre au lieu de bois.

Il commença aussi la construction de deux beaux palais : l’un non loin de Mayence et près du domaine d’Ingelheim ; l’autre à Nimègue, sur le Waal — cette rivière qui longe la

  1. Ces derniers détails sont propres à Éginhard.
  2. Le cadre général et plusieurs expressions de ce chapitre ont été fournis à Éginhard par Suétone, Vie d’Auguste, chap. xxix et xxx. Ces chapitres s’ouvrent par la phrase suivante : « Publica opera plurima extruxit, e quibus vel praecipua, etc. » (xxix, 1) ; puis Suétone énumère les constructions visant — pour parler comme Éginhard — soit ad decorem, soit ad commoditatem. Il est question ensuite des sentinelles — excubias nocturnas vigilesque — (xxx, i) destinées à parer au danger des incendies, comme les sentinelles — stationes et excubiae — de Charlemagne devaient parer au danger des incursions normandes. Enfin Suétone nous montre Auguste relevant les temples des dieux, aedes sacras vetustate conlapsas (xxx, 2), et ce sont les termes mêmes dont se sert Éginhard. — Mais, dans l’ensemble, tout ce qui, dans ce chapitre, a trait aux constructions de Charlemagne, semble original.
  3. Dans les manuscrits les plus complets des Annales royales, on lit, comme ici, sous l’année 813 : « Pons apud Mogontiacum mense maio incendio conjflagravit » (éd. Kurze, p. 137).