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ALLIANCES CONCLUES CHARLEMAGNE

Galice et d’Asturie, que celui-ci, quand il lui envoyait des lettres ou des ambassades, tenait à ce qu’on le nommât toujours « l’homme » du roi franc[1].

De même, les rois des Scots[2], gagnés par sa munificence, furent à sa dévotion au point de ne l’appeler jamais que leur seigneur et de se dire toujours ses sujets et ses serfs. Des lettres qu’ils lui envoyèrent subsistent, qui attestent leurs sentiments à son égard[3].

Avec le roi de Perse Aaron[4], de qui dépendait presque tout l’Orient, sauf l’Inde, les rapports furent si cordiaux que celui-ci attachait plus de prix à ses bonnes grâces qu’à l’amitié de tous les rois et de tous les princes du reste du monde et n’avait d’attentions et de munificences que pour lui. Et il le lui prouva bien lorsque, recevant ses représentants, qui étaient venus le saluer, après avoir été de la part de leur maître porter des offrandes au très saint Sépulcre et sur les lieux de la résurrection, non content d’acquiescer à toutes les demandes qu’ils lui présentaient, il renonça au profit de Charles à la domination sur ces lieux sanctifiés

  1. Les Annales royales, dont Éginhard a eu ici sous les yeux la deuxième rédaction (éd. Kurze, p. 103 et 105), disent seulement que Charlemagne reçut en 797 une ambassade du roi Alfonse (« legatum Hadefonsi regis Asturiae atque Galleciae dona sibi deferentem suscepit ») ; puis que l’année d’après Alfonse lui fit cadeau de quelques trophées de victoire. Mais Éginhard a-t-il réellement vu des lettres où le roi de Galice se disait l’ « homme » du roi franc ? On en peut douter.
  2. C’est-à-dire, à cette époque, les Irlandais — plutôt que les Écossais.
  3. Ce passage a intrigué les commentateurs. Qu’il s’agisse vraiment des rois d’Irlande (Scottia) ou d’Écosse, on n’ose plus guère le soutenir, et volontiers l’on admet une première confusion avec les rois de Northumbrie, ou plutôt avec le roi de Northumbrie Eardulf, qui, chassé de ses états en 808, fut contraint de fuir sur le continent, où il sollicita l’appui de l’empereur franc et du pape (voir Abel et Simson, Jahrbücher des deutschen Reiches unter Karl dem Grossen, t. II, p. 381). Les marques d’humilité prodiguées à Charlemagne par ce roi en exil n’auraient dès lors plus grande signification. Mais Eardulf lui-même alla-t-il jamais jusqu’à se dire par lettres « le sujet et le serf » de celui qui s’employa à lui assurer une restauration éphémère (voir Abel et Simson, op. cit., t. II, p. 398-399) ? Si oui, ces lettres constituaient des documents que la chancellerie carolingienne aurait eu intérêt à conserver avec plus de soin. Ou bien Éginhard n’a-t-il pas mêlé les souvenirs plus ou moins vagues qu’il avait pu garder à la fois de la correspondance échangée par Charlemagne avec « son très cher frère et ami » le roi de Mercie Offa (un allié dont on s’étonne qu’il n’ait rien dit) et d’une lettre-sermon adressée « à son très pieux seigneur » le roi franc par un clerc nommé Cathulf, qui s’intitule « le dernier de vos serfs » (Monumenta Germaniae, Epistolae karolini aevi, t. II, p. 501, no 7) ? Nous l’ignorons. Mais il est difficile de ne pas croire à toute une série de confusions.
  4. Haroun al Rachid. La forme Aaron a été prise par Éginhard dans les Annales royales, ann. 801 (éd. Kurze, p. 114).