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GUERRE CONTRE LES AVARS

Une seule campagne, qu’il commanda en personne, suffit à les vaincre et à les écraser si bien que dès lors ils n’osèrent plus refuser l’obéissance[1].

[13.] À cette guerre succéda la plus importante de toutes celles que fit Charles, la guerre de Saxe exceptée : je veux parler de celle qu’il entreprit contre les Avars ou Huns[2]. Il y mit plus d’ardeur et y consacra des moyens bien plus puissants qu’à aucune autre. Il ne dirigea cependant lui-même qu’une seule campagne dans leur pays, la Pannonie, et chargea de la conduite des autres son fils Pépin et des gouverneurs de provinces, voire des comtes ou des missi. Menée par eux avec beaucoup d’énergie, la guerre demanda huit années d’efforts[3].

Ce qu’elle nécessita de combats, de sang versé, c’est ce qu’attestent encore aujourd’hui la Pannonie, vide de tout habitant, et l’emplacement de l’ancien palais du khagan[4], devenu un désert d’où a disparu jusqu’à la trace de toute habitation humaine. La noblesse des Huns périt tout entière au cours de la lutte, toute leur gloire y sombra ; tout leur argent, leurs trésors, amassés au cours des âges, tombèrent aux mains des Francs ; pas une guerre, de mémoire d’homme, ne rapporta à ces derniers un pareil butin et un pareil accroissement de richesses : eux qui jusque-là pouvaient presque passer pour pauvres, ils trouvèrent dans le palais du khagan tant d’or et tant d’argent, tant de dépouilles pré-

  1. Éginhard oublie le soulèvement des Wilzes en 808 et les expéditions qu’il fallut diriger contre eux à partir de ce moment jusqu’en 812. Une lecture plus attentive des Annales royales (éd. Kurze, p. 126, 129, 132, 137) lui eût évité cette erreur.
  2. Ce chapitre a été composé à l’aide des Annales royales, 2e rédaction, ann. 791 et 796. Plus d’une expression de l’annaliste (par exemple, le terme de regia, pour désigner le palais du khagan, les mots opibus et spolia, p. 99 de l’éd. Kurze) a passé ainsi dans le texte d’Éginhard. Celui-ci semble, en outre, avoir jeté les yeux sur la version primitive de ces mêmes Annales, où il a pu trouver le nom d’ « Avar » appliqué au peuple que le second rédacteur appelle « Hun » (d’où l’expression : « les Avars ou Huns » dont il se sert), ainsi que le titre de « khagan » donné à leur roi (ann. 796, éd. Kurze, p. 98). Il est vrai qu’on retrouve encore ce titre dans la rédaction définitive des Annales royales en 782 et en 805 (ibid., p. 61 et 119-120). Enfin Éginhard a pu faire son profit d’une phrase où le rédacteur primitif (ann. 796, p. 98) parlait des trésors pris par le duc Éric dans le fameux ring (« spoliavit… thesaurum priscorum regum multa seculorum prolixitate collectum ». Cf. Éginhard : « omnis pecunia et congesti ex longo lempore thesauri direpti sunt »).
  3. Erreur : les Annales royales, qu’Éginhard avait sous les yeux, en marquent le début en 791 et la fin en 803 seulement.
  4. C’était le titre que portait le roi des Avars, à l’exemple d’un grand nombre d’autres souverains asiatiques.