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GUERRE DE BÉNÉVENT

Entrant ensuite à la tête de ses troupes en Italie[1], il traversa Rome et s’avança jusqu’à Capoue, en Campanie, d’où il exigea, sous menace de guerre, la reddition des Bénéventains. Leur duc Arichis prévint cette menace en envoyant à la rencontre du roi, avec une forte somme d’argent, ses fils Romoald et Grimoald, qu’il offrait comme otages, et en promettant sa soumission et celle de son peuple, à cette réserve près qu’il serait personnellement dispensé de comparaître[2]. Sans s’arrêter à cette marque d’obstination, le roi, dans l’intérêt du peuple[3], accepta les otages qui lui étaient offerts et, par faveur spéciale, dispensa Arichis de venir lui-même faire acte de soumission ; puis, gardant comme otage un seul de ses fils, le plus jeune, il renvoya l’aîné à son père, en le faisant accompagner de quelques-uns de ses représentants chargés de réclamer et de recueillir les serments de fidélité des Bénéventains. Après quoi, il

  1. Éginhard continue à paraphraser la deuxième rédaction des Annales royales, où l’on lit, sous la même année 786 et au début de l’année suivante (éd. Kurze, p. 73, 75 et 77) : « Rex… contractis celeriter Francorum copiis… Italiam ingreditur… Romam ire contendit… Aragisus dux Beneventanorum… propositum ejus avertere conatus est. Misso enim Rumoldo majore filio suo cum muneribus ad regem rogare coepit ne terram Beneventanorum intraret. Sed ille… Capuam Campaniae civitatem accessit ibique castris positis consedit, inde bellum gesturus ni memoratus dux intentionem regis salubri consilio praevenisset… Missaque legatione utrosque filios suos regi obtulit, promittens se ad omnia quae imperarentur libenter oboediturum. Cujus precibus rex adnuens… minore ducis filio nomine Grimoldo obsidatus gratia suscepto, majorem patri remisit. Accepit insuper a populo obsides undecim misitque legatos qui et ipsum ducem et omnem Beneventanum populum per sacramenta firmarent. Ipse… Romam reversus sanctum paschale festum… celebravit… Rex autem adoratis sanctorum apostolorum liminibus votisque solutis… in Franciam reversus est. » — Il faut observer d’ailleurs que si Éginhard a suivi de près le récit de l’annaliste, il l’a cependant étrangement dénaturé, au point de le rendre par places incompréhensible. Voir nos Études critiques sur l’histoire de Charlemagne, p. 83.
  2. Ce détail semble résulter d’une mauvaise interprétation des Annales royales, où l’on lit (rédaction primitive, éd. Kurze, p. 74) qu’Arichis, effrayé, courut s’enfermer dans Salerne, « n’osant », suivant une expression biblique, « voir en personne la face de son seigneur » (« non fuit ausus per semet ipsum faciem domni regis Caroli videre »). Cf. nos Études critiques sur l’histoire de Charlemagne, p. 83-84.
  3. Cf. Annales royales, rédaction primitive, loc. cit. : « Tunc domnus ac gloriosus Carolus rex praespexit… ut non terra deleretur illa et regia et episcopia vel monasteria non desertarentur… » C’est ce texte sans doute qu’Éginhard paraphrase.