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[1.] La famille des Mérovingiens, dans laquelle les Francs avaient coutume de choisir leurs rois, est réputée avoir régné jusqu’à Childéric, qui, sur l’ordre du pontife romain Étienne, fut déposé, eut les cheveux coupés[1] et fut enfermé dans un monastère[2]. Mais, si elle semble en effet n’avoir fini qu’avec lui, elle avait depuis longtemps déjà perdu toute vigueur et ne se distinguait plus que par ce vain titre de roi. La fortune et la puissance publiques étaient aux mains des chefs de sa maison, qu’on appelait maires du palais et à qui appartenait le pouvoir suprême. Le roi n’avait plus, en dehors de son titre, que la satisfaction de siéger sur son trône, avec sa longue chevelure et sa barbe pendante, d’y faire figure de souverain, d’y donner audience aux ambassadeurs des divers pays et de les charger, quand ils s’en retournaient, de transmettre en son nom les réponses qu’on lui avait suggérées ou même dictées. Sauf ce titre royal, devenu inu-

  1. On sait que la longue chevelure était chez les Mérovingiens un privilège et un symbole de la royauté.
  2. Éginhard s’est documenté dans les Annales royales (deuxième rédaction), où, après quelques pages sur les maires du palais (majores domus) Charles Martel, Pépin et Carloman, il pouvait lire, sous les années 749 et 750, que les Francs ayant consulté le pape (pontificem) « au sujet des rois qui étaient alors en France et qui avaient seulement le titre de roi, mais non le pouvoir royal » (« qui nomen tantum regis sed nullam potestatem regiam habuerunt »), le pape avait répondu qu’ « il valait mieux appeler roi celui qui détenait la totalité du pouvoir » (« melius esse illum vocari regem apud quem summa potestatis consisteret ») et avait donné l’ordre (jussit) de couronner Pépin, ce qui avait été aussitôt fait — le Mérovingien Childéric étant relégué dans un monastère : « Secundum Romani pontificis sanctionem, Pippinus rex Francorum appellatus est… Hildericus vero, qui falso regis nomine fungebatur, tonso capite in monasterium missus est » (Annales regni Francorum, publ. par F. Kurze, dans la collection des Scriptores rerum germanicarum in usum scholarum, 1895, p. 9 et 11). Les mots ici en italique sont ceux qu’Eginhard a textuellement ou presque textuellement reproduits. C’est par erreur qu’il a appelé Étienne, au lieu de Zacharie, le pape consulté par les Francs, une trop rapide lecture des Annales ayant pu lui faire admettre qu’il s’agissait du même pontife (Étienne II) qui, en 754, renouvela de ses mains le sacre du nouveau roi (Annales royales, éd. Kurze, p. 13).