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XI
SOURCES DE LA VIE DE CHARLEMAGNE

tains aspects de la vie ou du caractère de son héros, que, livré à ses propres forces, il eût presque à coup sûr laissés dans l’ombre et dans l’ignorance desquels nous serions nous-mêmes restés.

Mais par lui aussi, malheureusement, Éginhard a été souvent entraîné trop loin : à force de vouloir en tout et toujours donner la réplique au biographe des Césars, il n’a pas craint d’exagérer bien des traits qu’il avait pu en effet relever chez l’empereur franc ; c’est à l’incitation de Suétone qu’il a, dans plus d’un cas, faussé les proportions, déformé la vérité et tracé de Charlemagne une image qu’il y aurait quelque imprudence à accepter autrement que sous bénéfice d’inventaire.

Enfin il faut se défier de sa manière d’utiliser les textes. Quand nous nous reportons aux Annales royales, dont pourtant il transcrit littéralement des expressions et parfois des phrases entières, nous sommes confondus des erreurs d’interprétation et des bévues qu’il commet à chaque pas ou des libertés qu’il prend avec le récit qu’il a sous les yeux.

Lisons-le donc pour mieux pénétrer dans l’intimité du grand empereur franc ; mais lisons-le avec précaution ; vérifions ses dires. Nous y perdrons quelques pages, qu’on a eu le tort de trop citer ou de suivre de trop près ; mais ce qui restera sera suffisant encore pour sauver de l’oubli une œuvre sans laquelle notre connaissance de la personne même de Charlemagne resterait bien incomplète.

III.Les manuscrits. Établissement du texte.

La faveur avec laquelle la Vie de Charlemagne fut accueillie dès son apparition et la vogue dont elle jouit durant plusieurs siècles furent telles qu’on trouverait peu de textes qui aient été aussi souvent imités et copiés au moyen âge. On en a