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ENTERREMENT DE CHARLEMAGNE

rien prescrit à ce sujet. Finalement, l’on s’accorda à reconnaître qu’aucun emplacement ne pouvait mieux convenir à sa tombe que la basilique qu’il avait construite lui-même et à ses frais à Aix pour l’amour de Dieu et de Notre Seigneur Jésus-Christ et en l’honneur de sa sainte mère, éternellement vierge. On l’y ensevelit le jour même de sa mort et l’on mit sa tombe sous une arcade dorée avec son portrait et une inscription[1], dont voici le texte :

SOUS CETTE PIERRE REPOSE LE CORPS
DE CHARLES, GRAND ET ORTHODOXE EMPEREUR,
QUI NOBLEMENT ACCRUT LE ROYAUME DES FRANCS
ET PENDANT XLVII ANNÉES LE GOUVERNA HEUREUSEMENT
MORT SEPTUAGÉNAIRE L’AN DU SEIGNEUR DCCC XIV,
INDICTION VII, LE V DES CALENDES DE FÉVRIER.

[32.] De nombreux présages[2] avaient marqué l’approche de sa fin, ne laissant aucun doute à personne — à lui-même pas plus qu’à nul autre — sur l’imminence de l’instant décisif[3].

Trois ans de suite, dans les derniers temps de sa vie, il y eut de fréquentes éclipses de soleil et de lune ; sept jours durant, on remarqua dans le soleil une tache de couleur noire[4]. Un portique que le roi avait fait bâtir à grand ren-

  1. On a beaucoup discuté sur l’aspect primitif du tombeau de Charlemagne à Aix. Ces discussions sont bien résumées par dom H. Leclercq dans le Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie qu’il publie en collaboration avec dom Cabrol, t. III, col. 789-799.
  2. Ce chapitre sur les présages de la mort de Charlemagne est inspiré des Vies d’Auguste (xcvii), de Caligula (lvii) et de Claude (xlvi) par Suétone — subsidiairement aussi de sa Vie de César (lxxxi). Aux trois premières de ces vies, Éginhard a fait quelques emprunts de détail que nous signalons en note.
  3. Cf. Suétone, Vie de Caligula, lvii, 1 et 2 : « Futurae caedis multa prodigia extiterunt… Sulla mathematicus certissimam necem appropinquare affirmavit » ; Vie de Claude, xlvi : « Sed nec ipse ignorasse aut dissimulasse ultima vitae suae tempora videtur. »
  4. Les Annales royales, qu’Éginhard semble avoir assez distraitement consultées, relèvent qu’en l’espace d’une seule année, de septembre 806 à septembre 807, il y eut trois éclipses de lune, une éclipse de soleil, et qu’en outre huit jours de suite, à partir du 17 mars, une tache noire fut observée dans le soleil (« Nam et Stella Mercurii xvi. kal. aprilis visa est in sole quasi parva macula, nigra tamen, paululum superius medio centro ejusdem sideris, quae a nobis octo dies conspicitur », éd. Kurze, p. 123). — En 808, aucun phénomène météorologique n’est signalé. — En 809, une éclipse de lune, le 26 décembre (ibid., p. 130), mais pas d’éclipse de soleil. — En 810, deux éclipses de lune et deux éclipses de soleil (ibid., p. 133). — En 811, de nouveau, aucun phénomène météorologique n’est noté. — En 812, une éclipse de soleil (p. 137), mais pas d’éclipse de lune. — En 813, rien.