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MORT DE CHARLEMAGNE

comme d’ordinaire, à la chasse aux environs de son palais d’Aix, employa ainsi la fin de l’automne, pour rentrer ensuite à Aix vers les calendes de novembre[1].

Comme il y passait l’hiver, il fut pris, au mois de janvier, d’une forte fièvre et dut s’aliter[2]. Tout de suite, comme il le faisait habituellement en cas de fièvre, il se mit à la diète, pensant pouvoir ainsi écarter la maladie ou tout au moins l’atténuer. Mais la fièvre se compliqua d’une douleur au côté — ce que les Grecs appellent pleurésie — et comme il continuait à observer la diète et ne soutenait plus son corps que par quelques rares boissons, le septième jour après s’être alité, ayant reçu la sainte communion, il mourut en sa soixante-douzième année et la quarante-septième de son règne, le cinq des calendes de février[3], à la troisième heure du jour[4].

[31.] Son corps, suivant le rite, une fois lavé et la toilette faite, fut porté à l’église[5] et inhumé au milieu de la désolation du peuple tout entier. On hésita d’abord pour le choix du lieu où il devait être déposé, car, de son vivant, il n’avait

  1. Les manuscrits les plus complets des Annales royales (éd. Kurze, p. 137) notent que Charlemagne partit en 813 pour chasser dans l’Ardenne, comme il le faisait fréquemment (« Cum in Ardvenna venaretur… ») ; mais la partie de chasse est placée avant le couronnement de Louis (11 septembre), en plein été par conséquent, comme il arrivait parfois à l’empereur (voir Annales royales, ann. 802 et 805). L’annaliste ajoute un détail important — dont Éginhard a du reste tenu compte quand, au début de son chapitre, il déclare que Charlemagne a fait couronner empereur son fils parce qu’il « pliait déjà sous le poids de la maladie » — : au cours de cette partie de chasse, l’empereur eut une première attaque, qui l’obligea à rentrer à Aix (« pedum dolore decubuit et convalescens Aquasgrani reversus est ») et à la suite de laquelle il se décida à régler sa succession, ce qui achève de rendre invraisemblable le récit d’Éginhard.
  2. Éginhard précise ici le récit des Annales royales, dont il s’est servi cependant, car on y trouve déjà quelques-unes des expressions auxquelles il a lui-même recours : « Post quod imperator… pedum dolore decubuitDum Aquisgrani hiemaret, etc. » (ann. 813 et 814, éd. Kurze, p. 137 et 140).
  3. C’est à peu près ce que disent les Annales royales, ann. 814 (éd. Kurze, p. 140) : « … anno aetatis circiter septuagesimo primo, regni autem quadragesimo septimo ex quo vero imperator et augustus appelatus est anno XIIII., V kal. febr. rebus humanis excessit. » Éginhard a pourtant ajouté l’heure de la mort, à l’exemple de Suétone qui fait mourir Auguste : « xiiii. kal. septemb. hora diei nona, septuagesimo et sexto aetatis anno » (Vie d’Auguste, c, 1).
  4. C’est-à-dire le 28 janvier, à neuf heures du matin.
  5. Pareillement, Suétone, après avoir noté la date et l’heure de la mort d’Auguste, ajoute (op. cit., c, 2) que son corps fut porté à Rome (« Corpus… urbi… intulit »), où l’on discuta assez longtemps sur la manière dont seraient célébrées ses funérailles, tout comme, au dire d’Éginhard, on discuta à Aix sur l’emplacement à adopter pour la tombe de Charlemagne.