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SOLLICITUDE DE CHARLES POUR SA LANGUE MATERNELLE

avait dans les lois de son peuple de multiples lacunes — car les Francs ont deux lois, très différentes en plusieurs points — il songea à les compléter, à les faire concorder et en même temps à en corriger les erreurs et les fautes de rédaction[1] ; mais il ne mit pas son projet à exécution ou se contenta du moins d’insérer dans le texte, sans même les achever, un petit nombre d’articles additionnels[2]. Du moins fit-il recueillir et consigner par écrit les lois, transmises jusqu’alors par tradition orale, de tous les peuples placés sous sa domination[3].

Il fit transcrire aussi, pour que le souvenir ne s’en perdît pas, les très antiques poèmes barbares où étaient chantées l’histoire et les guerres des vieux rois. Il ébaucha, en outre, une grammaire de la langue nationale[4].

À tous les mois, il donna des noms de sa langue maternelle, tandis que jusqu’alors chez les Francs on les désignait les uns par leur nom latin, les autres par leur nom barbare ; il fit de même pour chacun des douze vents, dont quatre tout au plus pouvaient avant lui être désignés dans sa langue. Pour les mois, les noms choisis furent les suivants : janvier, wintarmanoth ; février, hornung ; mars, lentzinmanoth ; avril, ostarmanoth ; mai, winnemanoth ; juin, brachmanoth ; juillet, heuvimanoth ; août, aranmanoth ; septembre, witumanoth ; octobre, windumemanoth ; novembre, herbistmanoth ; décembre, heilagmanoth[5]. Pour les vents, il décida que le

  1. C’est sans doute dans la Vie d’Auguste (xxxiv, 1) qu’Éginhard a pris l’idée de ce passage.
  2. Ces articles additionnels destinés à compléter la loi salique et la loi ripuaire furent promulgués en 803 (Capitularia regum Francorum, éd. A. Boretius, dans la collection des Monumenta Germaniae historica, t. I, nos 39 et 41).
  3. Sur les transcriptions ou rédactions des diverses lois germaniques au temps de Charlemagne, consulter H. Brunner, Deutsche Rechtsgeschichte, t. I, 2e édition (1906), p. 429, 473, 475, 481.
  4. De tout ceci, il semble que nous n’ayons rien conservé.
  5. Quelques-uns de ces noms subsistent en allemand moderne : Hornung, février ; Lenmonat, mars (mois du renouveau) ; Ostermonat, avril (mois de Pâques) ; Wonnemonat, mai (mois de la joie) ; Brachmonat, juin (mois des jachères) ; Heumonat, juillet (mois des foins). D’autres noms, qui semblent sortis aujourd’hui de l’usage, ont subsisté plus ou moins longtemps : wintarmanoth ou Wintermonat, janvier (mois d’hiver) ; aranmanoth ou Æhrenmonat, août (mois des épis) ; heilagmanoth ou Heiligmonat, décembre (le mois saint) ; witumanoth signifie « mois du bois » (witu = bois, en haut allemand) ; windumemanoth signifie « mois des vendanges » (windumôn = vendanger, en haut allemand) ; herbistmanoth rappelle Herbstmonat (mois d’automne), mais ce dernier terme désigne en allemand moderne le mois de septembre.