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PIÉTÉ DE CHARLEMAGNE

rique, la dialectique et surtout l’astronomie. Il apprit le calcul et s’appliqua avec attention et sagacité à étudier le cours des astres[1]. Il s’essaya aussi à écrire et il avait l’habitude de placer sous les coussins de son lit des tablettes et des feuillets de parchemin, afin de profiter de ses instants de loisir pour s’exercer à tracer des lettres ; mais il s’y prit trop tard et le résultat fut médiocre.

[26.] Il pratiqua scrupuleusement et avec la plus grande ferveur la religion chrétienne[2], dont il avait été imbu dès sa plus tendre enfance. Aussi construisit-il à Aix une basilique d’une extrême beauté, qu’il orna d’or et d’argent et de candélabres, ainsi que de balustrades et de portes en bronze massif[3] ; et, comme il ne pouvait se procurer ailleurs les colonnes et les marbres nécessaires à sa construction, il en fit venir de Rome et de Ravenne[4].

Il ne manquait pas, quand il était bien portant, de se rendre à cette église matin et soir ; il y retournait pour l’office de nuit et pour la messe[5]. Il veillait avec sollicitude à ce que tout s’y passât avec la plus grande décence, et bien souvent il recommandait aux sacristains d’interdire qu’on y apportât ou laissât rien de malpropre ou d’indigne de la sainteté du lieu. Il la pourvut largement de vases sacrés d’or et d’argent et d’une quantité suffisante de vêtements sacerdotaux pour que nul — pas même les « portiers », qui sont au

  1. Les traités dialogués, ou Disputationes, d’Alcuin et sa correspondance confirment que tel fut bien, en effet, le cadre de l’enseignement qu’il dispensa à son auguste disciple.
  2. Ce passage répond aux quatre chapitres (Vie d’Auguste, xc-xciii) que Suétone a écrits sur les sentiments religieux et la piété d’Auguste (« Peregrinarum caerimoniarum sicut veteres ac praeceptas reverentissime coluit… »).
  3. Ces balustrades et ces portes subsistent encore aujourd’hui à l’église d’Aix.
  4. Éginhard l’avait pu lire dans la correspondance de Charlemagne, à laquelle nous avons déjà vu qu’il avait eu accès. Voir spécialement la lettre 67 du Codex carolinus (Monumenta Germaniae, Epistolae merowingici et karolini aevi, t. I, p. 614, no 81), par laquelle le pape Hadrien Ier annonce à Charles, en 787 ou environ, qu’il l’autorise à faire enlever du palais de Ravenne les marbres et les mosaïques dont il a besoin pour ses constructions.
  5. On sait qu’à cette époque on ne célébrait normalement qu’une seule messe par jour, le matin. Éginhard veut dire qu’en dehors de cette messe Charlemagne assistait à la récitation des « heures » du matin, du soir et de la nuit.