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GENRE DE VIE DE CHARLEMAGNE

repas, il écoutait un peu de musique[1] ou quelque lecture. On lui lisait l’histoire et les récits de l’antiquité. Il aimait aussi se faire lire les ouvrages de saint Augustin et, en particulier, celui qui est intitulé : La cité de Dieu.

Il était si sobre de vin et de toute espèce de boisson qu’il buvait rarement plus de trois fois par repas[2]. L’été, après le repas de midi, il prenait quelques fruits, se versait une fois à boire, puis, se déshabillant et se déchaussant comme il faisait la nuit, il se reposait deux ou trois heures[3]. La nuit, son sommeil était interrompu à quatre ou cinq reprises, et non seulement il se réveillait, mais il se levait chaque fois[4].

Tandis qu’il se chaussait et s’habillait, il recevait diverses personnes en dehors de ses amis[5]. Si le comte du palais lui signalait un procès qui réclamait une décision de sa part, il faisait aussitôt introduire les plaideurs et, comme s’il eût été au tribunal, écoutait l’exposé de l’affaire et prononçait la sentence[6]. C’était aussi le moment où il réglait le travail de chaque service et donnait ses ordres.

  1. Calqué sur Suétone, Vie d’Auguste, lxxiv : « … aut acroamata et histriones aut etiam triviales ex circo ludos interponebat ». Le sens habituel du mot acroama (ἀκρόαμα) est tellement vague que nous n’osons garantir la valeur exacte qu’Éginhard a voulu ici lui donner.
  2. Suétone dit la même chose d’Auguste (Vie d’Auguste, lxxvii) : « Vini quoque natura parcissimus erat. Non amplius ter bibere eum solitum super cenam… Cornelius Nepos tradit. »
  3. Auguste aussi, d’après Suétone (op. cit., lxxviii, 1), « se reposait quelque peu après le repas de midi », mais « vêtu et chaussé » (« Post cibum meridianum, ita ut vestitus et calciatus erat paulisper conquiescebat »).
  4. Au même endroit, Suétone — qu’Eginhard continue à suivre de près — dit d’Auguste qu’il se réveillait la nuit « à quatre ou cinq reprises » (« non amplius… quam septem horas dormiebat, ac ne eas continuas, sed ut… ter aut quater expergisceretur ») ; quand son sommeil était ainsi « interrompu » (interruptum somnum) et si l’insomnie se prolongeait, Auguste se faisait lire, mais il restait couché : Éginhard a cru, naïvement, devoir souligner que Charlemagne, lui, se levait à chaque interruption de son sommeil.
  5. Contre-partie d’un passage où Suétone (Vie de Vespasien, xxi) nous parle seulement des amis que Vespasien recevait, tandis qu’il s’habillait, au sortir du lit (« Amicos admittebat ac dum salutabatur calciabat ipse se et amiciebat »). Suétone ajoute des indications sur les affaires que Vespasien réglait dès son réveil : Éginhard s’en est également souvenu.
  6. Suétone avait dit pareillement d’Auguste (Vie d’Auguste, xxxiii, 1) que parfois la nuit, ou lorsqu’il était malade, il rendait la justice (« ipse jus dixit ») de sa litière, en guise de « tribunal » (« lectica pro tribunali collocata »).