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COSTUME DE CHARLEMAGNE

il s’enveloppait d’une saie bleue et avait toujours suspendu au côté un glaive dont la poignée et le baudrier étaient d’or ou d’argent. Parfois il ceignait une épée ornée de pierreries, mais seulement les jours de grandes fêtes ou quand il avait à recevoir des ambassadeurs étrangers. Mais il dédaignait les costumes des autres nations, même les plus beaux, et, quelles que fussent les circonstances, se refusait à les mettre. Il ne fit d’exception qu’à Rome où, une première fois à la demande du pape Hadrien et une seconde fois sur les instances de son successeur Léon, il revêtit la longue tunique et la chlamyde et chaussa des souliers à la mode romaine. Les jours de fête, il portait un vêtement tissé d’or, des chaussures décorées de pierreries, une fibule d’or pour agrafer sa saie, un diadème du même métal et orné lui aussi de pierreries ; mais les autres jours, son costume différait peu de celui des hommes du peuple ou du commun[1].

[24.] Il se montrait sobre de nourriture et de boisson[2], surtout de boisson : car l’ivresse, qu’il proscrivait tant chez lui que chez les siens, lui faisait horreur chez qui que ce fût. Pour la nourriture, il lui était difficile de se limiter autant, et il se plaignait même souvent d’être incommodé par les jeûnes.

Il banquetait très rarement[3], et seulement aux grandes fêtes, mais alors en nombreuse compagnie. Normalement, le dîner[4] ne se composait que de quatre plats[5], en dehors du rôti que les veneurs avaient l’habitude de mettre à la broche et qui était son plat de prédilection. Pendant le

  1. Éginhard continue à donner la réplique à Suétone, qui parle de la simplicité des vêtements d’Auguste (Vie d’Auguste, lxxiii).
  2. Toujours comme Auguste, dont Suétone dit : « Cibi… minimi erat » {op. cit., lxxvi, 1). À rapprocher aussi de ce que Suétone dit de Claude en sens contraire : « Cibi vinique… appetentissimus » (Vie de Claude, xxxiii, 1). — Éginhard n’en avoue pas moins que Charlemagne supportait mal l’obligation du jeûne !
  3. À l’inverse d’Auguste, dont Suétone écrit : « Convivabatur assidue… non sine magno ordinum hominumque dilectu » (Vie d’Auguste, lxxiv).
  4. C’est-à-dire le repas principal qui, comme chez les Romains, devait se prendre vers le milieu de l’après-midi.
  5. Suétone avait dit en termes analogues (Vie d’Auguste, lxxiv) que le dîner d’Auguste se composait couramment de trois — parfois aussi de six plats (« Cenam ternis ferculis, aut, cum abundantissime, senis praebebat »).