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EXERCICES FAVORIS DE L’EMPEREUR

il n’en faisait guère alors qu’à sa tête, au lieu d’écouter l’avis de ses médecins[1], qu’il avait pris en aversion parce qu’ils lui conseillaient de renoncer aux mets rôtis auxquels il était habitué et d’y substituer des mets bouillis.

Il s’adonnait assidûment à l’équitation et à la chasse. C’était un goût qu’il tenait de naissance, car il n’y a peut-être pas un peuple au monde qui, dans ces exercices, puisse égaler les Francs. Il aimait aussi les eaux thermales et s’y livrait souvent au plaisir de la natation, où il excellait au point de n’être surpassé par personne. C’est ce qui l’amena à bâtir un palais à Aix et à y résider constamment dans les dernières années de sa vie. Quand il se baignait, la société était nombreuse : outre ses fils, ses grands, ses amis et même de temps à autre la foule de ses gardes du corps étaient conviés à partager ses ébats et il arrivait qu’il y eût dans l’eau avec lui jusqu’à cent personnes ou même davantage[2].

[23.] Il portait le costume national[3] des Francs : sur le corps, une chemise et un caleçon de toile de lin ; par-dessus, une tunique bordée de soie et une culotte ; des bandelettes autour des jambes et des pieds ; un gilet en peau de loutre ou de rat lui protégeait en hiver les épaules et la poitrine[4] ;

  1. C’est ce que Suétone avait déjà dit de Tibère (Vie de Tibère, LXVIII, 4) : doté d’une très belle santé (valitudine prosperrima), il ne se soigna jamais qu’à sa fantaisie, affirme son biographe, sans vouloir écouter l’avis de ses médecins (« quamvis… arbitratu eam suo rexerit, sine adjumento consiliove medicorum »).
  2. Dans une de ses lettres, Alcuin rappelle à Charlemagne qu’il l’a entretenu d’une question théologique tandis qu’ils étaient ensemble dans la piscine, « in fervente naturalis aquae balneo » (lettre des années 798-803, dans les Monumenta Germaniae, Epistolae karolini aevi, t. II, p. 420).
  3. Éginhard retourne ce que Suétone (Vie de Caligula, lii) dit de Caligula, dédaigneux du « costume national » (« Vestitu… neque patrio neque civili »). — Les miniatures du ixe siècle permettent de suivre en grande partie la description qui est donnée ici du costume franc. Voir, entre autres, celles que reproduit C. Enlart, Manuel d’archéologie française, t. III (le Costume), fig. 2, 3, 398, 401.
  4. Pour quelques-uns des détails précédents, Eginhard croit devoir à nouveau faire des emprunts à Suétone, lequel (Vie d’Auguste, lxxxii, 1) nous montre Auguste portant en hiver un gilet de laine, un caleçon et un pantalon (« Hieme… thorace laneo et feminalibus et tibialibus muniebatur »).