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claffe qu’aussitôt il se mettait à tousser comme si, en riant trop fort, il avait avalé la fumée de sa pipe. Et la gardant toujours au coin de sa bouche, il prolongeait indéfiniment le simulacre de suffocation et d’hilarité. Ainsi lui et Mme  Verdurin qui, en face, écoutant le peintre qui lui racontait une histoire, fermait les yeux avant de précipiter son visage dans ses mains, avaient l’air de deux masques de théâtre qui figuraient différemment la gaîté.

M. Verdurin avait d’ailleurs fait sagement en ne retirant pas sa pipe de sa bouche, car Cottard qui avait besoin de s’éloigner un instant fit à mi-voix une plaisanterie qu’il avait apprise depuis peu et qu’il renouvelait chaque fois qu’il avait à aller au même endroit : « Il faut que j’aille entretenir un instant le duc d’Aumale », de sorte que la quinte de M. Verdurin recommença.

— Voyons, enlève donc ta pipe de ta bouche, tu vois bien que tu vas t’étouffer à te retenir de rire comme ça, lui dit Mme  Verdurin qui venait offrir des liqueurs.

— Quel homme charmant que votre mari, il a de l’esprit comme quatre, déclara Forcheville à Mme  Cottard. Merci madame. Un vieux troupier comme moi ça ne refuse jamais la goutte.

— M. de Forcheville trouve Odette charmante, dit M. Verdurin à sa femme.

— Mais justement elle voudrait déjeuner une fois avec vous. Nous allons combiner ça, mais il ne faut pas que Swann le sache. Vous savez, il met un peu de froid. Ça ne vous empêchera pas de venir dîner, naturellement, nous espérons vous avoir très souvent. Avec la belle saison qui vient, nous allons souvent dîner en plein air. Cela ne vous ennuie pas, les petits dîners au Bois ? bien, bien, ce sera très gentil. Est-ce que vous n’allez pas travailler de votre métier, vous ! cria-t-elle au petit pianiste, afin