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ses paroles la faisaient souffrir, de lui crier du fond du cœur :

— Trouvez-le si vous voulez, mais du moins ne nous le dites pas.

— Tout dépend de ce que vous appelez intelligence, dit Forcheville qui voulait briller à son tour. Voyons, Swann, qu’entendez-vous par intelligence ?

— Voilà ! s’écria Odette, voilà les grandes choses dont je lui demande de me parler, mais il ne veut jamais.

— Mais si… protesta Swann.

— Cette blague ! dit Odette.

— Blague à tabac ? demanda le docteur.

— Pour vous, reprit Forcheville, l’intelligence, est-ce le bagout du monde, les personnes qui savent s’insinuer ?

— Finissez votre entremets qu’on puisse enlever votre assiette, dit Mme  Verdurin d’un ton aigre en s’adressant à Saniette, lequel absorbé dans des réflexions, avait cessé de manger. Et peut-être un peu honteuse du ton qu’elle avait pris : « Cela ne fait rien, vous avez votre temps, mais, si je vous le dis, c’est pour les autres, parce que cela empêche de servir. »

— Il y a, dit Brichot en martelant les syllabes, une définition bien curieuse de l’intelligence dans ce doux anarchiste de Fénelon…

— Écoutez ! dit à Forcheville et au docteur Mme  Verdurin, il va nous dire la définition de l’intelligence par Fénelon, c’est intéressant, on n’a pas toujours l’occasion d’apprendre cela.

Mais Brichot attendait que Swann eût donné la sienne. Celui-ci ne répondit pas et en se dérobant fit manquer la brillante joute que Mme  Verdurin se réjouissait d’offrir à Forcheville.

— Naturellement, c’est comme avec moi, dit Odette d’un ton boudeur, je ne suis pas fâchée de