aussi. Comme Mme Verdurin donnait parfois à Swann ce qui seul pouvait constituer pour lui le bonheur ; comme tel soir où il se sentait anxieux parce qu’Odette avait causé avec un invité plus qu’avec un autre, et où, irrité contre elle, il ne voulait pas prendre l’initiative de lui demander si elle reviendrait avec lui, Mme Verdurin lui apportait la paix et la joie en disant spontanément : « Odette, vous allez ramener M. Swann, n’est-ce pas » ? comme cet été qui venait et où il s’était d’abord demandé avec inquiétude si Odette ne s’absenterait pas sans lui, s’il pourrait continuer à la voir tous les jours, Mme Verdurin allait les inviter à le passer tous deux chez elle à la campagne — Swann, laissant à son insu la reconnaissance et l’intérêt s’infiltrer dans son intelligence et influer sur ses idées, allait jusqu’à proclamer que Mme Verdurin était une grande âme. De quelques gens exquis ou éminents que tel de ses anciens camarades de l’école du Louvre lui parlât : « Je préfère cent fois les Verdurin, lui répondait-il. » Et, avec une solennité qui était nouvelle chez lui : « Ce sont des êtres magnanimes, et la magnanimité est, au fond, la seule chose qui importe et qui distingue ici-bas. Vois-tu, il n’y a que deux classes d’êtres : les magnanimes et les autres ; et je suis arrivé à un âge où il faut prendre parti, décider une fois pour toutes qui on veut aimer et qui on veut dédaigner, se tenir à ceux qu’on aime et, pour réparer le temps qu’on a gâché avec les autres, ne plus les quitter jusqu’à sa mort. Eh bien ! ajoutait-il avec cette légère émotion qu’on éprouve quand, même sans bien s’en rendre compte, on dit une chose non parce qu’elle est vraie, mais parce qu’on a plaisir à la dire et qu’on l’écoute dans sa propre voix comme si elle venait d’ailleurs que de nous-mêmes, le sort en est jeté, j’ai choisi d’aimer les seuls cœurs magna-
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