qui doit m’y rejoindre. Si on n’avait pas de vos nouvelles par Mémé… Pensez que je ne vous vois plus jamais !
Swann refusa ; ayant prévenu M. de Charlus qu’en quittant de chez Mme de Saint-Euverte, il rentrerait directement chez lui, il ne se souciait pas en allant chez la princesse de Parme de risquer de manquer un mot qu’il avait tout le temps espéré se voir remettre par un domestique pendant la soirée, et que peut-être il allait trouver chez son concierge. « Ce pauvre Swann, dit ce soir-là Mme des Laumes à son mari, il est toujours gentil, mais il a l’air bien malheureux. Vous le verrez, car il a promis de venir dîner un de ces jours. Je trouve ridicule au fond qu’un homme de son intelligence souffre pour une personne de ce genre et qui n’est même pas intéressante, car on la dit idiote », ajouta-t-elle avec la sagesse des gens non amoureux, qui trouvent qu’un homme d’esprit ne devrait être malheureux que pour une personne qui en valût la peine ; c’est à peu près comme s’étonner qu’on daigne souffrir du choléra par le fait d’un être aussi petit que le bacille virgule.
Swann voulait partir, mais au moment où il allait enfin s’échapper, le général de Froberville lui demanda à connaître Mme de Cambremer et il fut obligé de rentrer avec lui dans le salon pour la chercher.
— Dites donc, Swann, j’aimerais mieux être le mari de cette femme-là que d’être massacré par les sauvages, qu’en dites-vous ?
Ces mots « massacré par les sauvages » percèrent douloureusement le cœur de Swann ; aussitôt il éprouva le besoin de continuer la conversation avec le général :
— Ah ! lui dit-il, il y a eu de bien belles vies qui ont fini de cette façon… Ainsi vous savez… ce navi-