Pétion
Mme F. Smith (p. 29-30).


PÉTION



I


Quand le ciel se dorait d’un beau soleil couchant ;
Quand il voyait le soir aux brises d’Orient
Jeter les premiers plis de son écharpe noire,
Et qu’au pied du palmier quelques soldats assis,
Quelques vieux compagnons d’infortune et de gloire,
Contaient leurs peines, leurs soucis,

Il s’approchait alors, toujours pensif et sombre,
Recueillait leurs aveux, se mêlait à leur nombre,
Et parlait à chacun comme à son propre enfant.
Puis, il s’en retournait triste et mélancolique ;
Puis, quand la nuit venait, il la passait, rêvant
Aux destins de la République.

Et son cœur palpitait, et son front incliné
Dans ses deux mains tombait, de rides couronné.
Oh ! que d’illusions dans son âme bercée !
Le présent trop étroit ne peut les contenir,
Et sa pensée alors, sa sublime pensée,
Vole au-devant de l’avenir !

II


Ainsi, lorsqu’au doux bruit des voiles,
Aspirant le parfum des mers,
Le nautonnier voit les étoiles
Briller et flotter dans les airs,

Il rêve une lointaine plage
Que ses yeux ne verront jamais !
Car bientôt la voix de l’orage
Réveille ses sens inquiets ;
Bientôt le souffle de la brise
Cède aux fureurs de l’ouragan,
Bientôt c’est la nef qui se brise
Sur les écueils de l’Océan.

III


C’est le mal qui triomphe et le bien qui s’exile !
C’est l’immense volcan de la guerre civile
Éclairant notre nuit de son funèbre éclair !
Avides de son sang qu’ils ne peuvent répandre,
Ce sont des insensés qui voudraient que sa cendre
Fût jetée aux brises de l’air !

Hélas ! en vain sa fille, ange du ciel venue,
Montrait à ses regards son enfance ingénue !
Comme un astre pâli se plonge à l’horizon,
Il abîma son cœur en des flots d’amertume,
Et lorsqu’après sa mort on écarta l’écume,
On vit le désespoir au fond !


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