Ornithologie du Canada, 1ère partie/Le Mainate pourpre


Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 251-252).

LE MAINATE POURPRE.[1]
(Purple Grakle — Crow Blackbird.)


Le Mainate pourpre ne justifie pas, en Canada, la mauvaise réputation qu’il a dans le sud des États-Unis. Là on le considère comme un insigne larron, un voleur de jeune maïs et de blé : larcins qu’il expie souvent avec sa vie ; au printemps, il rend un service inestimable à l’agriculture en dévorant les hordes innombrables de parasites destructeurs, de larves et de chenilles, comme pour compenser les dégâts qu’il causera plus tard. C’est un fort bel oiseau, facile à apprivoiser et doué de chant. Nous avons remarqué des Mainates pourpres en grand nombre sur l’Île Ste. Hélène, devant Montréal.

Un couple de ces oiseaux s’établit il y a quelques années à Montmagny dans une plantation d’érables à l’Est du manior seigneurial : le propriétaire leur ayant assuré protection, la famille devint nombreuse et il en est résulté une colonie d’environ deux cents, qui ne manquent jamais chaque printemps de prendre possession du territoire qu’ils ont en séquestre. Leurs évolutions, leurs courses dans le voisinage nous ont souvent fort amusé. Plusieurs nids sont bâtis sur le même arbre : et au train où va l’œuvre de la colonisation, sous peu le bois sera insuffisant pour héberger leur noire légion. Le Mainate pourpre a des idées larges, des idées féodales au chapitre de la propriété ; parmi les oiseaux, c’est une espèce de baron du moyen âge : il s’établit en maître dans l’endroit où sont ses jeunes, sans respect pour les droits acquis des volatiles plus faibles que lui : malheur au Pic ou au Merle qui approche de trop près de sa demeure ; il l’attaquera infailliblement et sa forte taille lui assure la victoire. Les rayons du soleil ont un superbe effet sur son plumage lustré et noir comme l’ébène ; à certains rayons d’incidence, le bronze cuivré est remplacé par un azur brillant, auquel succèdera l’éclat du saphir, lequel se fondra en vert d’émeraude. Pendant ce temps l’oiseau étendra sa queue, baissera les ailes, enflera sa gorge et fera sonner son cri d’appel pour attirer l’attention des oiseaux qui passent au vol dans les environs. Les habitudes du Mainate pourpre dans les lieux où il hiverne ne sont pas les mêmes qu’en Canada : là ils voyagent en immenses bandes, se répandent sur les terres fraîchement labourées, fréquentent même les alentours des résidences des fermiers à l’approche de l’hiver. La chair de cet oiseau est sèche, coriace et manque de saveur, comme celle de la Corneille. On rencontre ce Mainate pendant l’été, dans des régions fort septentrionales.

Le mâle a un plumage, soyeux, luisant et noir.

Dimensions du mâle, 13 × 19.


  1. No. 421. — Quiscalus versicolor. — Baird.
    Quiscalus versicolor.Audubon.